C'était donc affairé à cet effort de remise en forme et de mise au propre de ces notes, que je reçus une lettre dûment postée de Shanghaï. Je gardais longtemps l'enveloppe de cette lettre punaisée sur un tableau de liège prévu à cet effet, l'affichage temporaire de toute chose qui plaisait à mes yeux, tant je trouvais remarquable de voir mon adresse si familière, Lucien De Jonckheere, 60850 Puiseux-en-Bray, France, se détacher sur une enveloppe criblée d'indications et d'oblitérations chinoises. Cela faisait du récipiendaire de cette enveloppe un voyageur au long cours par procuration, ce qui avait tôt fait d'attiser mon imagination.
Lettre de James
Cher Lucien
Avec l'aide de mon beau-père,
j'ai trouvé le poème original dans la collection complète
des poèmes de la dynastie Tang. Je vais essayer de te traduire
la signification immédiate de ce poème:
Je déambulais, tandis que
les pétales d'osmonde
[tombaient
La nuit était calme dans la montagne vide
La Lune se leva et surprit les oiseaux
Leur chant résonna dans le cours d'eau.
[tombaient
La nuit était calme dans la montagne vide
La Lune se leva et surprit les oiseaux
Leur chant résonna dans le cours d'eau.
Printemps.
Ce poème a été
écrit par un des plus fameux poètes de la dynastie Tang,
Wang Wei.
C'est aussi un des plus célèbres de l'esprit
Zhang.
Le haut niveau Zhang impose d'écrire
dans la forme indirecte pour indiquer son appartenance à la forme
Zhang. Pour cette raison ces poèmes décrivent le plus
souvent des paysages et des natures mortes pour refléter l'esprit
Zhang.
Ce poème au travers de sa description du décor
et de l'ambiance, particulièrement les actions de la Lune et
des oiseaux, reflète un état ultime de sérénité
et de vide.
Le poème parle en fait des jardins de Huan Fu qui
était le fils d'un ministre de la dynastie Tang. Comme tu peux
le voir, il n'y a absolument pas d'arbre immense ni d'homme allongé
mais ton interprétation est aussi très belle
et très Zhang.
Quand Liu Sian, mon ami chinois, venait à Paris, il prenait ses quartiers chez moi, dans toute l'exiguïté de mon appartement parisien. Quelques amis parisiens de Liu Sian en profitaient pour lui rendre visite. Ces amis étaient chinois. Quelques uns de mes amis venaient aussi pour rencontrer Liu Sian. Ces amis là n'étaient pas chinois. Le fait est que cela donnait souvent lieu à des confusions. Parce que quand les gens s'adressaient à moi, Liu Sian croyait toujours qu'ils s'adressaient à lui, Liu Sian. Pour une raison somme toute très simple: je m'appelle Lucien. Ce qui évidemment se prononce un peu comme Liu Sian. Et pourtant, lui c'est Liu Sian, pas Lucien, lui c'est lui et moi c'est moi, et moi, c'est Lucien, pas Liu Sian, moi c'est moi, et lui c'est lui. Liu Sian, c'était son nom, le sien, le mien c'était Lucien.
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