Sunday 15 June 2014

Je consultais les nombreuses notes que j'avais prises, au début dans l'intention de clarifier la confusion dans mon esprit qu'avaient fait naître les différentes interprétations du pictogramme de Liu Sian, et, au fur et à mesure, à propos de toute chose chinoise qui m'avait également rendu perplexe , comme en quelque sorte, la somme même de tout ce que mon existence avait pu compter de confus et de chinois, et ce sont, en somme, ces notes — dont j'ai repris pour beaucoup la rédaction — que vous venez de parcourir. 
 C'était donc affairé à cet effort de remise en forme et de mise au propre de ces notes, que je reçus une lettre dûment postée de Shanghaï. Je gardais longtemps l'enveloppe de cette lettre punaisée sur un tableau de liège prévu à cet effet, l'affichage temporaire de toute chose qui plaisait à mes yeux, tant je trouvais remarquable de voir mon adresse si familière, Lucien De Jonckheere, 60850 Puiseux-en-Bray, France, se détacher sur une enveloppe criblée d'indications et d'oblitérations chinoises. Cela faisait du récipiendaire de cette enveloppe un voyageur au long cours par procuration, ce qui avait tôt fait d'attiser mon imagination.
 

Lettre de James

Cher Lucien
Avec l'aide de mon beau-père, j'ai trouvé le poème original dans la collection complète des poèmes de la dynastie Tang. Je vais essayer de te traduire la signification immédiate de ce poème:

Je déambulais, tandis que les pétales d'osmonde
[tombaient
La nuit était calme dans la montagne vide
La Lune se leva et surprit les oiseaux
Leur chant résonna dans le cours d'eau.
 Printemps.
Ce poème a été écrit par un des plus fameux poètes de la dynastie Tang, Wang Wei. 

C'est aussi un des plus célèbres de l'esprit Zhang. 
Le haut niveau Zhang impose d'écrire dans la forme indirecte pour indiquer son appartenance à la forme Zhang. Pour cette raison ces poèmes décrivent le plus souvent des paysages et des natures mortes pour refléter l'esprit Zhang. 
Ce poème au travers de sa description du décor et de l'ambiance, particulièrement les actions de la Lune et des oiseaux, reflète un état ultime de sérénité et de vide. 
Le poème parle en fait des jardins de Huan Fu qui était le fils d'un ministre de la dynastie Tang. Comme tu peux le voir, il n'y a absolument pas d'arbre immense ni d'homme allongé mais ton interprétation est aussi très belle et très Zhang.


                                                                





              

Quand Liu Sian, mon ami chinois, venait à Paris, il prenait ses quartiers chez moi, dans toute l'exiguïté de mon appartement parisien. Quelques amis parisiens de Liu Sian en profitaient pour lui rendre visite. Ces amis étaient chinois. Quelques uns de mes amis venaient aussi pour rencontrer Liu Sian. Ces amis là n'étaient pas chinois. Le fait est que cela donnait souvent lieu à des confusions. Parce que quand les gens s'adressaient à moi, Liu Sian croyait toujours qu'ils s'adressaient à lui, Liu Sian. Pour une raison somme toute très simple: je m'appelle Lucien. Ce qui évidemment se prononce un peu comme Liu Sian. Et pourtant, lui c'est Liu Sian, pas Lucien, lui c'est lui et moi c'est moi, et moi, c'est Lucien, pas Liu Sian, moi c'est moi, et lui c'est lui. Liu Sian, c'était son nom, le sien, le mien c'était Lucien.
Quand Liu Sian, mon ami chinois, venait à Paris, j'allai l'accueillir à l'aéroport, et quand enfin il arrivait, nous ouvrions nos bras l'un à l'autre: " Liu Sian.
— Lucien."

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