Partout dans le monde, le Brésilien avait
ses fans absolus, de ceux qui, à la sortie des concerts dissertaient
sur le trottoir tard dans la nuit, analysant la glissade des accords sur Chega de saudade ; le ralentissement des rythmes au moment de la douleur dans Felicidade ; l’inflexion cassée et les cordes laissées libres pour une Garota de Ipanema
exceptionnelle. Car dans la maison Gilberto, les classiques connus de
tous étaient sans cesse réinventés à coup d’accélérations subites,
ralentissements imprévisibles, déviations légères, translations
millimétriques. Seul en scène, le pied posé sur une chaise, Joao
Gilberto a écrit des chapitres majeurs de la musique, tel que ce Live at The 19th Montreux Jazz Festival en 1986.
Né
le 10 juin 1931 à Juazeiro (Etat de Bahia), Joao Gilberto Prado Pereira
de Oliveira est mort samedi 6 juillet, à l’âge de 88 ans. L’histoire
veut que le guitariste-chanteur, ami et comparse de Tom Jobim, Vinicius
de Moraes, Stan Getz, Dizzie Gillespie, ait fait son éducation musicale
à l’oreille, dans la chaleur écrasante de Juazeiro. Dans cette bourgade
perdue au fin fond du Sertao bahianais, où son père faisait office de
commerçant, le petit Joao prit la mesure du temps en observant le cours
du fleuve Sao Francisco : lent, rythmé par un soleil de plomb et
l’attente de la pluie.
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