Les scientifiques découvrent un nombre croissant de
fonctions aux quelque cent mille milliards de bactéries qui peuplent
notre tube digestif.
Les quelque cent mille milliards de bactéries
qui peuplent notre tube digestif ne sont pas là pour le décor et c'est
pourquoi professionnels de la santé et chercheurs s'intéressent de plus
en plus à leurs fonctions.
Du fait de leur grand nombre, les chercheurs n'hésitent plus à parler de véritable «organe» à propos du duo, intestin et bactéries.
Et s'il a fallu attendre les années 2010 pour qu'ils s'intéressent
enfin de très près au microbiote, c'est aussi parce qu'il fallait de
nouveaux outils d'analyse (biologie moléculaire) pour faire les liens
entre ces cent mille milliards de bactéries, leurs fonctions supposées
et leurs implications potentielles dans différentes pathologies. Car les
proportions entre les grands groupes bactériens qui forment un
microbiote - Bacteroïdetes, Firmicutes, par exemple - peuvent vraiment
différer d'une personne à l'autre.
Les premières données ont ainsi commencé à tomber. On sait par exemple que la colonisation du fœtus par les bactéries commence, dans les conditions normales, au moment de la rupture des membranes et surtout lors de l'accouchement par voie naturelle. Cela n'est pas sans conséquence: les enfants nés par césarienne auraient un microbiote différent de ceux nés par voie basse.
Est-ce véritablement un problème ou pas? Il est encore trop tôt pour
conclure, même si certaines données suggèrent un lien possible entre les
microbiotes de ces bébés nés par césarienne et un risque accru d'obésité
à l'âge de 3 ans. Les bactéries pourraient jouer le rôle de
récupératrices d'énergie… Énergie ensuite stockée dans l'organisme. «On
sait par ailleurs que la flore intestinale se
met en place dans les premiers mois de la vie, et sa composition reste
relativement stable tout au long de la vie, même si elle peut être
modifiée de façon transitoire par l'alimentation, et notamment les
régimes riches en résidus fermentés dans le côlon
(prébiotiques), par l'ingestion de bactéries vivantes (probiotiques) ou
dans le cadre d'une antibiothérapie», poursuit le Pr Laurent Beaugerie
(gastro-entérologue, hôpital Saint-Antoine).
Barrière contre les bactéries
L'une
des premières fonctions associées à ce microbiote est celle de barrière
contre d'autres bactéries plus pathogènes. Et en cas de microbiote
défaillant, les risques de développer certaines pathologies semblent
accrus: «en gastro-entérologie, une écologie perturbée du microbiote
intestinal dès l'enfance (dysbiose) pourrait favoriser la genèse de
maladies inflammatoires intestinales - maladie de Crohn et rectocolite hémorragique - mais aussi de certaines formes d'obésité, des troubles fonctionnels de l'intestin, d'atteintes du foie susceptibles d'aboutir à une cirrhose non alcoolique et peut-être de certains cancers du côlon», poursuit le Pr Jean-Christophe Saurin (CHU Lyon).
«Et
comme d'autres études suggèrent par ailleurs que les bactéries
intestinales pourraient envoyer des signaux au cerveau (et inversement)
afin d'induire certains comportements que les chercheurs s'attellent
déjà à mieux comprendre, les chercheurs se prennent aussi à rêver de
pouvoir un jour traiter certaines pathologies comme l'autisme
ou des maladies neurologiques, en agissant entre autres sur le
microbiote intestinal», concluent le Pr Laurent Beaugerie et le Dr Harry
Sokol (gastro-entérologue à l'hôpital Saint-Antoine et chercheur Inserm
et Inra).
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